Madame la Présidente,
Nous nous adressons à vous pour faire écho à la déclaration de notre organisation membre du Portugal, PpDM, et exprimer notre ferme opposition à la participation officielle de la Commission européenne au Pornfilmfestival Berlin 2024.
En tant qu’association coupole abolitionniste féministe à l’échelle européenne, également présente dans les pays du bassin méditerranéen et dans des pays comme l’Ukraine et la Russie, nous représentons plus de 3 millions de femmes, et nous demandons instamment à la Commission européenne de reconsidérer sa participation au Pornfilmfestival Berlin et de prendre ses distances par rapport à de futures collaborations avec l’industrie de la pornographie.
En participant à ce festival, la Commission nie totalement l’impact de la pornographie sur les femmes, les jeunes filles et l’égalité des sexes.
La pornographie nuit aux femmes et aux jeunes filles de plusieurs manières, notamment en renforçant les stéréotypes néfastes et en perpétuant les inégalités. Tout d’abord par l’objectivation et la déshumanisation des femmes, réduites à l’état d’objets sexuels, ce qui renforce les déséquilibres en suggérant que le rôle principal des femmes est de servir les désirs des hommes. Ce qui a un impact négatif en termes d’inégalités de manière plus large entre les sexes tant dans les sphères privées que publiques.
La Commission ne peut ignorer que la pornographie renforce les stéréotypes et les rôles traditionnels des hommes et des femmes, les hommes étant représentés comme dominants et agressifs et les femmes comme soumises ou désireuses de plaire. Ces représentations normalisent des dynamiques de pouvoir entre les sexes, qui sont inégales et préjudiciables, voir destructrices.
Pour les jeunes femmes et les jeunes filles qui sont exposées à la pornographie, ces stéréotypes peuvent endommager et manipuler leur compréhension de la sexualité, des rôles de genre et des relations, en promouvant l’idée que la soumission, la passivité ou même la violence sont des éléments « normaux » ou acceptables du comportement sexuel féminin.
Madame la présidente,
La pornographie renforce la violence à l’égard des femmes. Les actes de domination physique, d’humiliation ou de violence verbale sont malheureusement courants et désensibilisent les spectateurs aux violences à l’encontre des femmes dans la vie réelle. Lorsque la pornographie normalise des actes sexuels violents ou dégradants, elle peut brouiller la frontière entre le sexe consensuel et la coercition, ce qui rend plus difficile encore la résolution des problèmes de violences ou de harcèlement sexuels au sein de la société.
Cela nuit aux efforts visant à réduire la violence fondée sur le sexe et à promouvoir le respect de l’autonomie corporelle des femmes.
En outre, la pression exercée sur les femmes pour qu’elles se conforment aux normes de beauté strictes telles que présentées dans la pornographie peut contribuer à des problèmes tels que des troubles de l’alimentation, la dysmorphie corporelle et l’anxiété.
Cela nuit à l’estime de soi des femmes et des jeunes filles et renforce l’idée que leur valeur est principalement basée sur leur apparence.
La pornographie ne montre pas la communication ou le respect des limites, qui sont des éléments clés des relations sexuelles consensuelles et respectueuses. Cela peut conduire à penser que les femmes doivent toujours être disponibles pour des relations sexuelles, même si ce n’est pas le cas. Cela mine également la capacité des femmes à affirmer leurs limites, ce qui conduit à des attentes sexuelles qui peuvent être dévastatrices dans les relations de la vie réelle.
Pour les hommes, l’exposition à ces représentations peut renforcer l’idée qu’ils ont le droit de disposer du corps des femmes sans leur consentement explicite.
Cela aggrave la sexualisation des jeunes filles et brouille la frontière entre un comportement sexuel adulte acceptable, responsable et l’exploitation des enfants.
Madame la Présidente,
De nombreuses femmes travaillant dans cette industrie sont confrontées à des conditions de travail dangereuses, asservissantes, et nombre d’entre elles y sont contraintes par la nécessité financière, la traite des êtres humains ou la violence et le chantage.
L’impact de la pornographie sur les femmes et les filles n’est pas uniforme, et les groupes marginalisés – tels que les femmes de couleur, les personnes LGBTQ+ et les femmes handicapées – subissent souvent des préjudices supplémentaires. La pornographie perpétue de multiples niveaux d’inégalité, non seulement en fonction du sexe, mais aussi de la race, de l’orientation sexuelle et du handicap.
Nous sommes donc alarmées par la participation d’un représentant de la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie (DG CONNECT) de la Commission européenne à un groupe de discussion sur l’avenir de l’industrie de contenu pour adultes.
Non seulement cette participation confère une légitimité à une industrie qui exploite les femmes, mais elle affaiblit également l’engagement de l’UE à protéger les droits des femmes et à éradiquer la violence fondée sur le genre.
Si nous saluons l’initiative et le rôle de la Commission dans l’introduction de la directive sur la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, l’annonce de la participation de la Commission à cet événement, nous interroge sur son engagement à mettre véritablement un terme à la violence à l’égard des femmes hors ligne et en ligne.
Comme nos membres, nous pensons que la loi sur les services numériques devrait protéger les personnes vulnérables, dont beaucoup sont des femmes et des filles, et ne pas servir de plateforme de dialogue avec des industries qui prospèrent sur la déshumanisation.
Nous attendons de l’UE qu’elle montre l’exemple en défendant la dignité et les droits des femmes plutôt qu’en légitimant une industrie qui les exploite. Nous espérons que la Commission, sous votre direction, prendra des mesures immédiates pour se retirer de cet événement et réaffirmer son engagement à éliminer toutes les formes de violence à l’encontre les femmes et les filles.